Théorie Fumeuse : l’énergie potentielle en impro

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Un schéma incompréhensible quelconque

Vous ne vous êtes jamais dit qu’une belle impro est une impro qui peut se mettre en équation ? Non ? Moi non plus à vrai dire, mais je n’ai pas trouvé mieux pour introduire cet article, qui sous couvert d’une théorie bancale à quand même un fond qui n’est pas inintéressant.

Première anecdote croustillante : l’énergie potentielle de comédie est à l’origine de blog. Eh oui, c’est alors que j’avais une conversation téléphonique avec ma copine, et que je lui exposais cette théorie folle, qu’elle me dit que je devrais écrire un blog. Pour lui faire plaisir je l’ai créé le soir même. C’était il y a un peu plus d’un mois.

Mais je ne voulais pas commencer directement par parler de ça, histoire de ne pas rebuter mes éventuels lecteurs en les attaquant tout de go avec une leçon de physique. Car oui, avant de parler impro, parlons un peu de physique.

L’énergie potentielle en physique

L’explication de wikipédia à ce sujet est plutôt claire :

L’énergie potentielle d’un système physique est l’énergie liée à une interaction, qui a le potentiel (d’où le nom) de se transformer en énergie cinétique.

Donc c’est un truc qui n’existe pas, mais qui si on ne fait pas attention peut vous exploser dans la figure. C’est une manne d’énergie dans laquelle on peut puiser. Quand j’y pense je trouve ça extraordinaire.  Concrètement l’exemple le plus simple est l’énergie potentielle de pesanteur. Vous prenez un objet et le soulevez : vous lui donnez de l’énergie potentielle (E = mgh, avec m la masse, h la hauteur et g la constante de gravité). Si vous le reposez tranquillement, il ne se passe rien. Par contre si vous le lâchez il ira percuter la sol avec cette énergie potentielle qui s’est transformée en énergie cinétique, qui elle-même s’est transformée en énergie de déformation élastique qui a fait éclater le carrelage.

On a la même chose avec par exemple l’énergie potentielle élastique : quand vous bandez un arc, vous lui donnez de l’énergie potentielle ; si vous le lâchez ce devient de l’énergie cinétique.

Voilà pour le cours de physique de niveau Seconde.

L’énergie potentielle en impro

Et donc en impro, quel rapport ? J’y viens, j’y viens.

Nous allons étudier le cas d’une simple scène à 2 personnes (donc ça vaut la majorité des scènes, finalement). Et nous allons nous intéresser plus particulièrement à leurs niveaux de domination respectifs (ou leur « status* », le terme « domination » n’étant pas toujours adapté), en négligeant les autres paramètres. On peut en général dans toute scène déterminer quel personnage est le plus dominant à un instant t. Ca ne se joue peut-être pas à grand chose, mais si on cherche, on trouve. Mais ça peut aussi être très clair. Cette notion de « status » (ou de « dominant/dominé ») est super intéressante en impro, et devrait avoir un article à elle seule, ce qui ne saurait trop tarder.

La théorie est alors la suivante :

Plus la différence de status en les 2 personnages est importante, plus la dynamique de la scène se met en place simplement. La différence de status crée une énergie dans laquelle les improvisateurs peuvent puiser pour rendre la scène intéressante. Nous appelerons cette énergie l’énergie potentielle de status (ou de domination).

Avec 2 personnages dont les status sont très proches, la scène peut être tout de même très intéressante, mais sans cette énergie potentielle dans laquelle puiser, les improvisateurs devront fournir eux-mêmes l’énergie à l’impro en trouvant des idées pour faire avancer la scène.

Je le vois toujours dans les ateliers que je fais avec des improvisateurs débutants : quand les improvisateurs ont l’impression de galérer et qu’une scène patauge, on note généralement que la différence de status entre les personnages est très faible voire presque inexistante (et en tout cas pas du tout prise en compte). Il suffit alors de se forcer à faire varier son status par rapport à l’autre pour donner un bon boost à la scène.

Par contre si le status des personnages reste figé, au bout d’un moment on arrivera au bout de cette énergie, et alors soit on trouve des idées intéressantes soit… on fait varier le status ! La variation de status (un dominant qui devient de plus en plus dominant par exemple) peut à elle seule consituer l’intégralité d’une scène, par exemple avec une inversion de domination entre personnages. Du coup là on serait dans la variation d’énergie potentielle, ou dans sa dérivée, je ne vois pas exactement comment théoriser ça correctement… Ce serait la notion de « travail » que je n’ai jamais trop compris…

Alors évidemment toutes les scènes ne vont pas être des histoires, mais comme en physique elle s’applique à différentes choses, et si on reprend la définition de Wikipédia c’est  l’énergie liée à une interaction. Ca tombe bien, qu’est-ce qu’une impro sinon une interaction entre des personnages ? Parmi ces interactions on a la notion de dominant/dominé, mais plus simple encore on  a les émotions.

Donc on a l’énergie potentielle d’émotion. Plus la différence d’émotion sera importante, plus la scène sera simple, et les variations d’émotions sont  super efficaces pour faire avancer une scène ou la rendre plus intéressante. Et bien sûr une scène entre 2 personnages sans émotion sera a priori inerte… En plus il n’y a rien de plus simple à mettre en place : un personnage se met en colère ou se met à pleurer et hop! on a de l’énergie pour continuer !

Ca doit sans doute s’appliquer à d’autres interactions (a priori ça devrait s’appliquer à toutes !), mais je vais arrêter là.

Si vous avez des idées, n’hésitez pas à les partager dans les commentaires…

* Oui, j’écris « status » avec un « s » parce que c’est le terme anglais. En français ce serait « statut » mais j’ai l’impression que ce n’est pas tout à fait le bon sens… A vous de voir si vous voulez prononcer ou pas le « s ».

6 réflexions sur “Théorie Fumeuse : l’énergie potentielle en impro

  1. Ce n’est pas si fumeux que ça. Dans « Improvise Scenes from the inside out » de Mick Napier (ancien ingénieur), il y a tout un chapitre sur la thermodynamique de l’impro. Il y a aussi un livre qui est sorti cette année qui s’appelle « Aerodynamics of Yes » (Christian Capozzoli).

    Bref, ce sujet parle à beaucoup de monde !

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  2. Je suis pas trop d’accord avec ta théorie, parce qu’une scène peut être très dynamique avec une différence de status très faible. C’est typiquement le cas lorsqu’il y a un jeu comme « fight for your number » ou deux personnes se battent pour avoir le status le plus haut, ou le plus bas. Je pense aussi au minimum status gap, ou l’un des joueur essaie d’avoir le status le plus proche de son partenaire, qui peut jouer à monter ou descendre comme il veut, ce qui force l’autre à s’adapter en permanence.

    J’aime bien l’idée d’énergie potentielle, parce qu’on peut le ressentir dans une scène. Je dirais que ça a plus à voir avec la notion d’enjeu de Kenn Adams. Selon Kenn Adams, on augmente l’enjeu de la scène en augmentant le risque de perdre, ou la valeur de ce qu’il y a à perdre.

    L’exemple classique :
    une ferme marche dans la fôret.
    Augmenter le risque : une femme marche dans la fôret, on entends des loups.
    Augmenter la valeur : une femme marche dans la fôret, on entends des loups, elle porte un bébé.

    Bien que rien ne soit encore arrivé, la 3ème situation a clairement un potentiel plus grand que la première.

    On peut même faire un parallèle encore plus fort avec l’énergie potentielle. Augmenter le risque, c’est un peu comme augmenter l’altitude (h). Augmenter la valeur de ce qu’il y a à perdre, c’est comme augmenter la masse (m).

    D’une manière générale, c’est un bon réflexe d’augmenter le potentiel d’une scène, mais quoi qu’il arrive, il faudra que ce soit transformer en énergie cinétique et en carrelage cassé =)

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    • une scène peut être très dynamique avec une différence de status très faible

      Oui bien sûr ! C’est simplement alors qu’une autre énergie potentielle est utilisée ou que les comédiens fournissent eux-même l’énergie.

      Je dirais que ça a plus à voir avec la notion d’enjeu

      Et du coup on aurait ici l’énergie potentielle d’enjeu !

      D’une manière générale, c’est un bon réflexe d’augmenter le potentiel d’une scène, mais quoi qu’il arrive, il faudra que ce soit transformer en énergie cinétique et en carrelage cassé =)

      Bien résumé 😉

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