Les personnages

Quand je prenais des cours d’impro, je me souviens avoir fais un tas d’ateliers autour de la « création de personnage ». Aujourd’hui j’ai bien l’impression de n’en avoir rien retenu… Et je ne suis pas certain que ce soit un mal.

Puisqu’on joue des histoires fictives, on interprète forcément des personnages. Ces personnages peuvent être plus éloignés de l’interprète, et j’ai l’impression que lorsqu’on essaie de travailler la « création de personnage » il s’agit forcément de créer des personnages aussi éloignés que possible de nous-mêmes.

J’ai des souvenirs d’exercices de création de personnage, à partir d’un geste, d’une démarche, d’une voix, d’une émotion, d’un animal… Et au final je trouve que cela créait plutôt des caricatures de personnages.

J’ai aussi souvent entendu des gens au sortir d’un spectacle parler de tel ou tel improvisateur qui jouait de « super personnages ». Et généralement c’est qu’à chaque impro il se déformait la voix et prenait une posture et une démarche improbable (par exemple le cliché de « Igor le serviteur bossu » qui revient régulièrement).

Pour moi un personnage ne se définit pas par son physique, sa voix, son métier ou  ses vêtements (ou encore son accent), mais plutôt par ses interactions avec les autres personnages de l’histoire et comment il réagit aux événements qui surviennent. Les actions plutôt que les apparences, le fond plutôt que la forme.

Alors je ne dis pas que jouer des personnages très marqués physiquement est forcément une mauvaise chose, je pense simplement que c’est loin d’être le plus important. Et je pense aussi que ça peut nuire à l’improvisation. En effet maintenir une transformation du corps et de la voix nécessite beaucoup d’effort et de concentration, ce qui implique deux risques importants : être moins attentif à ce qui se passe sur scène (donc problème d’écoute) et perdre progressivement le « corps » su personnage (cas typique : la perte d’un accent en cours d’impro).

Certains sont tout de même très forts pour jouer des personnages très marqué, et garder le personnage d’un bout à l’autre. Ils n’ont peut-être plus besoin d’y réfléchir et peuvent se concentrer sur l’improvisation en elle-même. Ce n’est pas mon cas, par exemple. Je transforme peu ma voix et mon corps, et j’ai une préférence pour les personnages « réalistes ».

Et du coup c’est un sujet que je n’aborde pas (ou en tout cas très peu) lors des ateliers que je donne, puisque je ne trouve pas que ce soit indispensable et moi-même je n’y arrive pas vraiment.

 

PS : bon ce n’est pas très argumenté comme article, mais je voulais quand même rédiger un article au mois d’août, et c’est aujourd’hui ou jamais.

11 réflexions sur “Les personnages

  1. Je ne partage pas tout à fait cet avis. C’est assez rare dans ce blog d’ailleurs.
    Au contraire, je trouve que l’énergie est bien différente si on entre sur scène « chargé » d’un personnage ou bien « nu ». Après, on peut se charger de différentes façons et un sentiment intérieur suffit pour donner une couleur au personnage. Pas besoin de toujours chercher à imiter la belette ou la poule. Cela dit, avoir en tête une contrainte forte (de corps, de voix, de déplacement…) permet de se surprendre et donc d’être dans la création. Et par la même occasion de s’amuser à faire quelque chose que l’on ne connaissait pas encore. L’idée de créer avec une contrainte n’est pas neuve, mais en impro il me semble qu’elle peut s’appliquer facilement au personnage, car elle n’empêche pas la spontanéité des autres joueurs au moment de débuter l’impro.

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    • Ah ! De la polémique !

      En fait je suis assez d’accord avec ce que tu dis, mais je trouve juste que se contraindre fortement peut être contreproductif. Ça peut être intéressant, mais je trouve qu’on tend trop souvent vers la caricature. En plus les derniers souvenirs que j’ai d’impros sans écoute entre les improvisateurs étaient justement des impros avec au moins un personnage très marqué qui joue dans son coin sans prendre en compte les autres personnages.

      Ah d’ailleurs un autre risque que je vois à avoir un personnage très « fort » est que par crainte de « trahir » le personnage on refuse qu’il change (alors que d’aucuns diraient qu’une histoire implique que les personnages changent). Et je ne parle forcément de changements physiques, mais souvent le fait de se contraindre physiquement et vocalement va nous inspirer d’autres caractéristiques du personnages (émotionnelles par exemple) dont on pourrait avoir du mal à se défaire. Et le personnage devient alors une excuse pour refuser des propositions (« c’est que mon personnage aurait fait ! »)

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      • Disons qu’il y a une certaine mesure à avoir. Lorsque je parle de contraintes, ce ne sont pas des éléments qui doivent tuer le jeu et empêcher le personnage d’être ouvert aux propositions des autres joueurs. Disons que c’est un moyen d’aller dans une autre direction que celle prise d’habitude, de créer du jeu, de la surprise dès les premiers instants. Après, il appartient à chaque joueur de faire évoluer tel ou tel aspect au cours de l’impro.
        Pour éviter la caricature, les contraintes ne sont pas forcément très précises (du type : je joue un pompier gros et avec un accent belge). Ce sont plutôt des petites touches physiques (je me déplace les pieds en dedans) ou émotionnelles… Lorsque je parle de contraintes « fortes », c’est pour insister sur le fait qu’elles doivent durer plus longtemps que quelques secondes et renfermer assez d’énergie pour nourrir le personnage.

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  2. Je ne dis pas que les contraintes de personnages tuent forcément le jeu, mais je pense qu’elles peuvent, à cause de la concentration que ça nécessite.

    Je ne suis pas « contre » les personnages. En fait je dirais que je suis contre le fait de se construire un personnage très marqué et complexe avant de commencer une scène. Je pense que ça peut nuire à l’écoute globale et garder le personnage tout au long de l’impro peut poser problème par la suite. Par contre s’imposer un premier élément simple (un voix aigüe ou grave, une démarche lourde ou légère, un personnage plutôt dominant ou dominé…) qui va ensuite s’étoffer naturellement avec d’autres éléments au fur et à mesure de l’impro, ça c’est intéressant.

    Enfin voilà, je voulais surtout dire que j’ai l’impression que jouer des personnages très marqués est en général considéré comme une bonne chose (et quelque chose à travailler) alors que j’ai plutôt l’impression que souvent cela amène à des personnages monolithiques et caricaturaux, donc pas du tout intéressants.

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    • Alors là je suis complètement d’accord ! Quant aux exercices (nombreux, très nombreux…) pour créer des personnages, où parfois la métamorphose dure 5 minutes, je ne les prends pas comme des recettes à appliquer un soir de spectacle (sauf si les spectateurs veulent bien patienter 5 minutes dans le calme avant le début de l’impro). Disons que ce sont plutôt des exercices d’exploration, pour découvrir de nouvelles sensations, des postures et pouvoir en un instant le soir d’un spectacle laisser faire son corps qui s’inspirera peut-être de ce qui a été vu en atelier.

      Ce ne sera pas aussi précis, mais tant mieux car comme tu le dis Hugh :
      « cela amène à des personnages monolithiques et caricaturaux, donc pas du tout intéressants ».

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  3. Je suis d’accord sur le côté caricatural, mais pour autant j’aime les persos qui sortent des clichés (j’ai du mal à supporter l’allemand sévère et énervé, la femme de ménage portugaise, le flic marseillais débile, l’italien dragueur, le paysan inculte et bouseux, etc …).
    En ce sens un beau perso c’est pour moi agréable à voir.
    Et effectivement, les critères voix / physique ne sont que certains des éléments qui définissent un perso. Son caractère, ses émotions, son passé sont autant sinon plus importantes.

    Et ton article m’amène trois remarques :
    – Le fait d’incarner un personnage peut avoir des avantages : si le comédien est concentré sur son perso, sa posture, sa démarche, s’il est investi, cela peut le débarrasser de « tics » corporel ou verbaux qui ne collent pas au perso (par exemple, un perso droit, campé sur ses pieds ne piétinera jamais, même si le comédien y est très sujet). Cela peut également amener des choses intéressantes, où c’est le personnage qui répond, plus que le comédien. Le fait d’interpréter qqn d’enjoué, optimiste ou sadique permettra une réponse sincère, liée au caractère du personnage, et qui sera peut-être plus intéressante qu’un individu « lambda ». Donc à mon sens, ça sert plutôt l’impro, mais à condition d’être investi.
    – J’ai eu l’occasion de voir en atelier un exercice intéressant « ramenant » le personnage à une contrainte plus subtile : partir d’une contrainte très forte, marquant le perso (type exos que tu cites), pour revenir à quelque chose de plus simple, de plus cohérent, qui « fonctionne » mieux. Passer d’un mec qui traîne la patte 4km derrière lui à un léger boîtement.
    – Tout est lié : la posture ou sa caractéristique physique du personnage peut te permettre de découvrir son caractère.

    En revanche, ce qui est pénible, c’est d’avoir 4 personnages très marqués sur scène.
    Bref, en fait les personnages en impro c’est comme l’alcool : c’est très bon, mais à consommer avec modération.

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  4. Pour moi, il y a deux « écoles »!

    L’école des personnages, avec des comédiens capables de se transformer et changer totalement de physique et de charactère. Christian Bale, Elie Semoun, Ben Stiller…

    Et l’école opposée avec des comédiens qui ont un personnage unique, souvent proche d’eux même qu’ils utilisent tout le temps. Chaplin, De Funes, Ricky Gervais…

    Je n’ai personnellement jamais été très sensible aux personnages forts et marqués. Les exemples cités plus haut ne m’ont jamais vraiment fasciné.

    Après, Hugh, tu ramène souvent la notion d’écoute, et j’avais écrit un article à ce sujet : http://www.spontanement.org/wordpress/2012/12/02/travailler-lecoute/

    Cependant, je ne crois pas que l’écoute soit sacrée. Je regrette souvent qu’on ne voit jamais deux improvisateurs parler en même temps sur scène, se couper la parole, ou justement, ne pas s’écouter et faire autre chose.

    Et je pense que ce n’est pas forcément nécessaire d’être omniscient dans la scène.

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    • Ricky Gervais n’est pas si monolithique je trouve ! Entre « The Office » et « The invention of lying » (film bien sympa mais peu connu, je le recommande) il y a quand même un gouffre.

      Mais sinon pinaillage à part, je vois bien la différence dont tu parles au cinéma, mais je me disais que c’était différent en impro. Je me disais ça jusqu’à ce que j’écrive cette phrase, en fait. Et en y réfléchissant je vois un parallèle intéressant. Dans les critiques de films on parle souvent de « scenery chewing » de la part d’un acteur. Je ne vois pas de terme équivalent en français, mais au final c’est juste que tel acteur, généralement parce qu’il interprète un personnage très marqué, prend tout le focus des scènes dans lequel il est (ou plutôt le réalisateur lui donne tout le focus…).
      Et en impro la même chose va souvent se produire, et ça je ne suis pas fan.

      D’ailleurs je me rend compte que je ne suis pas fan des personnages très marqués voire caricaturaux au cinéma. Par exemple j’adore Dark City, mais je ne supporte pas le personnage de Kiefer Sutherland. Et ça m’a fait la même chose récemment avec Pacific Rim et le scientifique allemand. Enfin j’ai peut-être juste un problème avec les scientifiques fous allemands marchant avec une canne. BREF.

      Sinon je suis bien d’accord avec ton article sur l’écoute (pareil, je ne pense pas que les exercices aident à travailler l’écoute, toutefois je les trouve quand même intéressants pour se rendre compte à quel point une information peut se perdre facilement).

      J’allais en plus répondre ce que répond Ian dans son commentaire 😉 Je n’aime pas non le plus le mot « écoute », parce que la transmission de l’information est au moins aussi importante que sa réception.

      Parler de « connexion », c’est pas mal… Ah et je viens de voir le deuxième commentaire de Ian sur ton article :

      ” Instead of telling actors that they must be good listeners (which is confusing), we should say, ‘Be altered by what’s said.’ ” (Keith Johnstone)

      Pas mieux 😉

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  5. Moi je comprend tout à fait, et je partage cet avis.

    Etant comédien improvisateur, mais aussi comédien de théâtre (à texte) mais surtout aussi auteur (débutant), c’est quelque chose que je retrouve et est un des fondamentaux de la dramaturgie : pour la caractérisation d’un personnage, on peut remplir 3 pages de caractéristiques physiques et psychologiques; tant que le personnage n’est pas en situation avec les autres, il n’existe pas. Lavandier précise même qu’il existe vraiment et toute la caractérisation se met en lumière lorsque la situation est un conflit (au sens large).

    Alors, en impro le premier réflexe est effectivement de partir dans une transformation assez radicale, voix, corps, mais le personnage en tant que tel ne peut exister que dans le comportement qu’il adopte face à ses partenaires.

    Ceci dit, je serais nuancé, car si en théâtre ou même cinéma, partir de soi pour composer le personnage est très judicieux, en improvisation c’est plus compliqué et on peut vite créer une espèce de personnage qui est à moitié soi, entre deux, pas vraiment défini.

    Donc, il est intéressant de prendre une attitude physique en rapport avec un besoin, un objectif, une couleur, qui va évoluer dans l’impro en fonction des partenaires.

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    • Merci pour ton commentaire !

      Par contre je ne sais pas si c’est vraiment plus compliqué de partir de soi en impro. Personnellement si je pars directement d’un personnage des traits bien marqués, j’ai plutôt tendance à les effacer progressivement. Au contraire en partant d’un personnage assez peu éloigné de moi mais avec un ou deux éléments caractéristiques je pense que je garde plus facilement la cohérence du personnage.

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  6. PS : oula Ouardane, oui il ya des écoles, mais niveau exemples c’est tout le contraire pour moi !
    Chaplin a composé un personnage très éloigné, et surtout très travaillé corporellement, voir même d’une précision diabolique. Très éloigné du dandy qu’était Chaplin en vrai.

    Moi je sépare les acteurs « Actor’s Studio » comme Al Pacino, De Niro, Harvey Keitel qui partent vraiment d’eux, des acteurs « à masque » comme De Funès, Jim Carrey, Lucchini dans une moindre mesure, qui eux portent un masque, une sorte d’habit virtuel et composent à partir de ce « masque ».

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