Slow Impro

J’ai eu la chance la semaine dernière de voir un spectacle Slow Impro et d’enchaîner avec une journée de stage sur le sujet. Je vais essayer de récapituler ici ce dont il s’agit et ce que j’en ai retenu. Je sens que ce sera long.

Slow Impro, c’est un format de spectacle, mais c’est aussi et surtout une méthode, une façon d’improviser. Cette méthode a été imaginée par Mathieu Loos et Marko Mayerl, et elle n’est pas forcément simple à expliquer, d’autant plus qu’elle vient avec tout un vocabulaire spécifique que je vais tenter de respecter.

Je pense que le mieux pour comprendre le principe est d’abord de parler de ce que ça donne en spectacle, et ensuite rentrer dans la théorie qui se cache derrière. D’ailleurs je conseille vivement à quiconque souhaiterait assister à un atelier sur le sujet de voir d’abord un spectacle, sinon je pense que le travail en atelier paraîtra vraiment trop abstrait.

 

Le spectacle Slow Impro

En entrant dans la salle, premier constat : le plateau est complètement nu, tous les rideaux de fond ont été enlevés (lorsque c’était possible), et les comédiens (2 + 1 guitariste) sont sur scène, ils s’échauffent tranquillement, saluent quelques personnes qu’ils connaissent dans le public.

Ensuite le spectacle commence après une brève introduction du maître des lieux. Marko et Mats (le guitariste) se mettent sur le côté de la scène, Marko assis sur une chaise. Mathieu reste sur scène, se déplace tranquillement, regarde autour, touche les murs. Après quelques instant il trouve une position qui a l’air de lui convenir. On attend un peu, puis Marko dit : « Non, autre chose ». Rebelote, Mathieu repart et se trouve une autre position, appuyé contre le mur du fond, les mains dans le dos. Après quelques instants, Marko dit : « Cet homme est attaché. (un temps) Il sait ce qui l’attend, et il attend. » (je paraphrase un peu, je ne sais plus exactement). Encore un petit temps, puis Marko entre et commence à jouer une scène d’interrogatoire avec Mathieu.

A la fin de la scène Mathieu se fait électrocuter et il sort ensuite de scène, se pose sur la chaise, et Marko démarre sur le même principe, se trouve une position et Mathieu donne la situation que ça lui inspire.

Ils enchaînent ainsi différentes scènes, revenant parfois sur une scène précédente s’ils se retrouvent dans une position antérieure.

On a donc clairement deux phases : une phase de recherche et une phase de jeu, si on peut dire ça comme ça. Le rythme est plutôt posé, voire lent (en même temps on s’y attend un peu…), en particulier dans la phase de « recherche », puisque qu’a priori il ne s’y passe rien et qu’elle peut durer une minute ou deux.

Mais c’est loin d’être ennuyeux. Les comédiens prennent leur temps, mais c’est un vrai plaisir de les voir le faire. En fait je trouve que par rapport aux spectacles « habituels » le rythme ressemble beaucoup plus au rythme « réaliste » d’une scène que l’on pourrait voir au théâtre ou au cinéma, ou même, soyons fous, dans la vie (pour ceux qui en ont une).

En plus une fois le principe appréhendé, je me plaisais à me mettre dans la peau de l »observateur » (c’est son nom officiel) qui va caractériser la scène à partir de ce que lui inspire le comédien sur scène. Ça fait une sorte de petit jeu et je me sentais toujours actif en tant que spectateur. Et quand, au bout de quelques secondes à me dire que la position de Mathieu me faisait penser à la proue d’un bateau, Marko lance « C’est la proue du bateau de Christophe Colomb », eh bien j’étais content.

J’espère que ça vous donne une idée de ce que ça pouvait donner, passons maintenant à l’envers du décor.

Un grand principe : révéler ce qui est déjà là

Commençons avec une petite citation hautement culturelle de Michel-Ange :

Chaque bloc de pierre contient déjà une statue, la tâche du sculpteur est de la révéler.

Une bien jolie image, utilisée assez littéralement puisqu’au cœur de la méthode se trouve la « matière » et le travail de cette matière.

J’aurais du mal à définir exactement ce qu’est la matière, puisque ça peut être tout. Disons que c’est ce qui est là, ce qu’on voit, ce qu’on ressent, et on va travailler cette matière pour trouver la scène. Voilà qui est parfaitement clair.

Plus concrètement, la personne qui commence sur scène est le « Matiériste ». Il va se laisser inspirer par quelque chose sur scène ou dans la salle, et se focaliser dessus. Un exemple sera plus parlant. Mathieu regardait un mur, mais était un peu gêné par une lampe qui était allumée, alors il s’est décalé un peu pour qu’elle soit masquée par un colonne. Il a alors vu une barre métallique en biais dans le mur, et a mis son bras devant ses yeux de façon à suivre cette barre métallique. Il ensuite commencé à jouer un peu avec son bras qui lui paraissait transparent (puisqu’il était juste devant son visage, faites le test si ça vous semble étrange), et s’est focalisé sur cette sensation. Il se retrouve dans une position particulière, et dans un état particulier. (je précise que Mathieu nous a donné cet exemple lors du stage)

Ensuite intervient l’observateur. A partir de ce qu’il voit il va chercher ce que ça lui inspire, et il va caractériser la scène (j’ai un doute sur le vocabulaire exact, mais ça me semble bien). Pour ça il va décocher des « flèches », qui sont simplement des déclarations précisant qui est ce personnage, où il est et éventuellement des éléments de contexte supplémentaire. Par exemple :

  • Cet homme est un vétérinaire.
  • Il vient de perdre sont alliance dans l’utérus d’une vache.

Il y aura généralement deux ou trois flèches.

Ces flèches servent à préciser ce qui était présent dans la matière (et donc dans ce que faisait le matiériste). L’observateur ne va pas chercher à être original, mais va simplement dire ce qui lui est inspiré.

On a donc alors un début de scène parfaitement clair, ne reste plus alors qu’à la jouer.

Là encore on va « travailler la matière », c’est-à-dire n’utiliser que ce qui est déjà là, sans chercher à construire ou planifier. En atelier on a commencé par faire l’exercice de la Répétition de Meisner. Si vous ne connaissez pas je ne vais pas détailler cet exercice ici mais vous pouvez lire un peu sur le sujet ici, ici, ou là (en français). C’est le genre d’exercice qu’il faut vraiment voir en action. Et dans la méthode Slow Impro la scène va normalement se construire de cette façon : si quelque chose commence à apparaître alors on va chercher à le révéler. Par exemple si un personnage parait gêné, l’autre va peut-être simplement lui demander s’il est gêné et révéler ainsi cette gêne au grand jour, qui pourra ensuite amener autre chose.

Enfin bref, je ne sais pas si ce que j’écris est très parlant, si c’est le cas tant mieux !

 

De l’impro d’intellectuels ?

Je pense que c’est l’impression que ça peut donner. Il y a un côté théâtre expérimental ou cinéma d’art et d’essai. En plus vu le nom et la structure du spectacle on s’imagine bien un truc long et chiant. Mais ce n’est pas parce que les comédiens prennent leur temps que l’ennui viendra forcément s’installer. D’autant plus que les scènes en elle-mêmes peuvent être très pêchues, et les comédiens ont largement la place de s’amuser. C’est juste qu’il vont s’amuser avec quelque chose de bien précis et aller au bout. Par exemple dans le spectacle il y a eu une scène où ils n’ont fait qu’ouvrir et fermer des portes dans la salle, en courant partout (Dit comme ça je me rend compte que ça donne pas vraiment envie, mais en vrai c’était chouette !).

Et la méthode s’applique bien sûr à tout type de spectacle d’impro, il se trouve juste que le spectacle Slow Impro est fait spécifiquement pour en tirer parti. Il y a d’ailleurs un point très concret qui pourrait s’utiliser dans n’importe quel spectacle : les flèches. Le fait d’avoir une situation initiale peu claire est un problème majeur en impro, créant confusion et flottement. Dans n’importe quelle impro on pourrait laisser un peu de temps pour qu’elle démarre (avec une ou deux personnes sur scène) et ensuite un narrateur viendrait préciser exactement la situation. Pourquoi pas.

 

Je ne m’étendrai pas plus sur le sujet, même si je ne fais que le survoler, mais si vous avez des questions, des réflexions ou si vous avez eu l’occasion de voir Slow en action, je suis preneur de vos commentaires !

 

En tout cas j’ai adoré le spectacle et le stage. Toutefois, étant amoureux de Mathieu Loos depuis toujours je ne suis pas forcément objectif.

 

Publicité

4 réflexions sur “Slow Impro

  1. Pingback: La vertu des tirades | Impro etc.

  2. Pingback: Entretien avec un improvisateur – Episode 3 – Matthieu Loos | Impro etc.

  3. Pingback: A vos agendas : J-10 avant Slow au TDG | Babel Impro Méditerranée

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s