Pourquoi improviser ?

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Eh oui, il fallait bien un jour poser cette question ! Et en tant qu’unique détenteur de la vérité et ne reculant pas devant la controverse, je vais y répondre directement, comme ça, sans vous faire languir davantage : parce que c’est moins cher.

Voilà, maintenant je vais développer un tant soit peu.

Déjà je vais préciser la question. Plutôt que « pourquoi improviser ? », la question que je pose est « pourquoi improviser plutôt qu’apprendre et mettre en scène un texte ? ». Et je considère le cadre théâtral ou cinématographique.

De plus en plus de spectacles improvisés mais très scriptés commencent à apparaître, notamment avec des gens comme La Morsure. C’est d’ailleurs un sujet qui est revenu dans plusieurs de mes podcasts dernièrement, avec par exemple :

Il y a différents avis sur le sujet. Par exemple Philippe Muyard estimait que l’improvisation reste une forme d’art mineure, et que rien n’atteindra la puissance de ce qu’on peut faire avec un texte écrit.

Mais par exemple dans les spectacles de La Morsure l’improvisation est plus ou moins présente, ou plutôt le déroulé est plus ou moins précis. Même si les scènes ou les tableaux sont tous prévus à l’avance, le texte, lui, est toujours improvisé.

Dans mes propres spectacles je n’ai aucune trame. Mais j’ai eu l’occasion de jouer ce type de spectacle récemment, je pense en particulier à Happy Hour et Les Absents.

Happy Hour est un spectacle de Joe Fuego et Laurent Mazé où l’action se déroule en temps réel dans un bar, avec 6 personnages prédéfinis et un déroulé assez précis. Il y a des tops d’entrées, de sorties, mais le contenu textuel est entièrement improvisé et utilise un journal du jour comme point d’appui initial.

Les Absents est un spectacle de Jeanne-Victoire David et Laurent Mazé autour de la mort et du deuil que nous avons testé il y a quelques semaines (maintenant ça fait un an, cet article est resté en brouillon tout ce temps…). Cette fois-ci il s’agit d’un enchaînement de scènes, le canevas est assez précis, les durées également. Seul le texte est improvisé.

Et donc que conclure de ces expériences ? Outre le plaisir à jouer ces spectacles (mon coup de cœur de la saison passée reste Happy Hour…).

Dans le podcast avec Joe Fuego et PAJ on parle pas mal de Happy Hour et notamment des raisons pour lesquelles l’improvisation était adaptée. Bon ça permet d’être vraiment « ici et maintenant », le spectacle s’adapte au lieu, à la ville. C’est un spectacle de discussions de comptoirs, et la parole improvisée est parfaite pour rendre ça crédible.

Pour Les Absents c’est moins évident. Pourquoi ne pas écrire la pièce directement ?

Certes, l’improvisation a des avantages intrinsèques, comme l’implication que ça génère chez les spectateurs qui assistent à l’acte de création. Mais il y a plein de cas où l’impro ne sera tout simplement pas adaptée. J’en parle pas mal dans cet article sur l’improvisation au cinéma.

Mais l’improvisation a un avantage indéniable et qui peut surpasser ses éventuels inconvénients : le spectacle réclame alors moins de temps de travail.

Pour Happy Hour le spectacle avait été joué déjà plusieurs fois, et lorsque l’équipe est venue à Lyon ils n’étaient que 3, les autres comédiens ont été pris localement. Il aura suffit d’une ou deux heures de passation pour comprendre le personnage qu’on interprétait et la trame du spectacle, et on était lancés. Pour Les Absents, Jeanne et Laurent avaient prévu une trame, on l’a travaillée deux ou trois heures la veille et hop! nous voilà devant 40 spectateurs.

Et si on prend les spectacles de La Morsure il y aura parfois des dizaines de comédiens (cf Le Banquet). Si ces spectacles étaient écrits, combien de temps d’écriture, de répétition, d’apprentissage de texte ? Comment se déplacer pour jouer le spectacle ailleurs avec autant de comédiens ?

Tout ça coûterait extrêmement cher. Quand je vois le nombre de pièces qui se montent où les comédiens font des semaines de répétitions, passent des heures à apprendre leur texte, tout ça pour jouer la pièce deux ou trois fois avant que le porteur du projet se barre, ou que des comédiens en aient marre…

Est-ce que la qualité du texte sera moindre parce qu’il est improvisé ? Peut-être… Mais en même temps les acteurs passent tellement de temps à apprendre à dire un texte de façon à ce qu’il paraisse naturel, pour un résultat pas toujours idéal, que ce soit à cause du texte ou de l’interprétation. Utiliser ses propres mots est quand même une solution assez simple.

Il ne faut pas oublier que derrière tout ça il y a du travail. Et pour tout ce qui est répétition et apprentissage de texte (et écriture…) c’est très rarement rémunéré. Certains spectateurs ayant vu Les Absents ont dit avoir été bouleversés par le spectacle. L’auraient-ils été plus si le texte était écrit ? Peut-être… Est-ce que ça aurait justifié des dizaines d’heures de travail bénévole ? Hum… Peut-être.

Mais je me dis que si les acteurs en école de théâtre passaient autant de temps à s’entraîner à improviser du texte qu’ils en passent actuellement à en apprendre, on aurait quand même des gens qui parlent bien.


Je viens de relire cet article, resté à l’état de brouillon pendant un an. Je pensais rallonger, rajouter des exemples, peut-être nuancer un peu. Mais il est 8h, je suis levé depuis 6h30, j’ai trop peu dormi, j’ai les doigts engourdis, c’est pénible d’écrire sur un smartphone, et puis après tout je ne suis pas payé pour le faire donc qu’est-ce que ça peut bien me foutre ?

Pour compenser voici la vue depuis mon transat :

Une réflexion sur “Pourquoi improviser ?

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