Les dessins animés comme inspiration

Je parle souvent de cinéma comme inspiration ou point de comparaison pour les spectacles improvisés, pour deux raisons principales : d’une part je suis passionné par le cinéma et d’autre part c’est la forme d’art la plus connue, donc ça parle à plus de monde.

Mais il y a des comparaisons et surtout des inspirations notablement plus pertinentes… (je laisse le mystère au cas où vous n’auriez pas vu le titre ni le visuel)

J’ai écrit des articles sur :

Mon précédent article comparait mon spectacle Scènes de Crime avec Inception. Et encore je n’ai pas listé tous les articles dans lesquels je mentionne un film. Bref le cinéma est omniprésent dans ce blog, donc dans ma tête.

Pourtant il y a des points sur lesquels le cinéma et l’improvisation théâtrale divergent tellement que la comparaison entre les deux présente assez peu d’intérêt concret. Ça n’empêche pas de s’en inspirer, mais la tâche de transposer un élément cinématographique sur scène n’est pas forcément évidente, et peut même être contre-productive.

Et sur ces points l’improvisation se rapprocherait beaucoup plus des dessins animés comme Les Simpson, South Park, Rick & Morty etc.

En particulier les deux points qui m’intéressent ici sont :

  • Les films sont visuellement extrêmement réalistes (j’exclus ici les films animés ainsi que les expérimentations ponctuelles comme Dogville)
  • Les films ont des scénarios qui ont été écrits, réécris, recorrigés etc. pendant des mois

Donc nous allons parler de suspension d’incrédulité et de processus d’écriture.

Réalisme et suspension d’incrédulité

La notion de suspension volontaire d’incrédulité est utilisée pour parler de l’effort (conscient ou inconscient) qu’on est prêt à faire pour accepter comme vraie une oeuvre de fiction.

Souvent on en parlera dans le cadre d’une histoire un peu tirée par les cheveux ou ayant trop de coïncidences ou de « facilités » d’écriture. En fonction des personnes on acceptera plus ou moins facilement ces choses-là. Ça peut aussi bien être le fait que les Storm Troopers ne savent pas viser que le fait que la plupart des gens semblent se coucher et se réveiller parfaitement bien maquillés, ou encore n’importe quelle scène de « hacking ». Et on aura sans doute d’autant plus de mal à accepter ces éléments irréalistes qu’on les aura vu et remarqué plusieurs fois auparavant.

Mais ça fonctionne aussi sur un plan purement visuel. Au cinéma, les êtres humains ressemblent… à des être humains. Comme en improvisation théatrale, cool. Mais c’est le seul point commun. Au cinéma ils auront toujours des costumes adéquats, par exemple (parfois en impro, mais rarement). Ils auront le bon âge, aussi.

Et puis ils auront des accessoires. Et il y aura des décors, en général plein de décors. Même des décors étendus grâce aux effets spéciaux, sur lesquels on est d’ailleurs de plus en plus regardants, n’acceptant plus trop les approximations d’il y a quelques années à peine.

On n’a pas tout ça dans les spectacles improvisés (la plupart en tout cas…). On mime, on a un seul costume en général assez neutre, on a deux chaises et un mur de fond et voilà. Mais quand on regarde un spectacle on est prêts à faire l’effort de suspendre notre incrédulité pour nous projeter dans les scènes.

Ce qui m’amène aux dessins animés sus-mentionnés. Ils sont complètement irréalistes, car oui, ce sont des dessins, mais on y croit quand même. Si on prend l’exemple de Rick & Morty, c’est une série qui explore à peu près tous les thèmes possibles autour de la science-fiction et la fantaisie. Si c’était filmé de façon réaliste, le budget serait faramineux. En optant pour un dessin relativement simple les créateurs s’offrent des possibilités infinies, parce que qu’on a accepté le dessin comme réalité.

De même en impro, une fois qu’on a accepté les conventions de base du spectacle (des comédiens jouant plusieurs personnages, des décors à imaginer, des accessoires mimés…) on sera prêt à tout accepter, et les possibilités sont donc également infinies (et peut-être un infini plus grand que le dessin animé…).

En ça, les dessins animés et l’impro sont proches, et sont peut-être supérieurs au cinéma dans la liberté qu’ils offrent.

Storytelling et processus d’écriture

Ça fait des années que lorsque je parle de storytelling improvisé en atelier je mentionne South Park. Je n’ai pas vu tant d’épisodes, mais j’ai rapidement été fasciné par deux choses :

  1. ça va très (très) loin
  2. c’est incroyablement cohérent narrativement

Tout s’enchaîne de façon très logique, tout en s’affranchissant des contraintes de pur « réalisme », le monde de South Park étant régi par d’autres règles que le notre (par exemple le rapport au temps…). C’est d’autant plus impressionnant que le temps de création d’un épisode n’est que d’une semaine environ, de l’écriture au montage. À comparer au temps nécessaire pour un film de même ambition. C’est certes plus que le temps d’écriture d’un spectacle improvisé typique, mais on s’en rapproche.

Pour ça les créateurs Matt Stone et Trey Parker ont une règle d’écriture, basé sur les mots « Mais » et « Donc ». Voici une vidéo en anglais :

Le principe est simple : les scènes doivent toutes être reliées entre elles par « Mais » ou par « Donc ». Si le lien logique est juste « Et ensuite », ça ne passe pas. Tout doit être lié logiquement. Dans leur cas il vont parfois imaginer des scènes qu’ils veulent et ensuite chercher à les lier, dans notre cas on va plutôt toujours jouer une scène puis enchaîner avec le « Mais » ou le « Donc » qui nous parait le plus intéressant sur le moment.

Et tant qu’on a ce lien logique, tant qu’on peut suivre le raisonnement, on sera prêt à accepter presque n’importe quoi.

On a également un rythme très soutenu, chaque épisode durant une vingtaine de minutes seulement, les scènes vont très vite. Ça peut être une bonne inspiration pour des histoires improvisées de 30 minutes par exemple, et même d’une heure en ayant juste quelques scènes plus longues.

Donc au final je pense que Les Simpson, South Park et Rick & Morty (ou d’autres que je connais moins comme Family Guy, dont je parle justement dans mon article sur le langage cinématographique pour ses « cutaways ») sont sur plusieurs points de meilleurs points de comparaisons et inspirations pour des spectacles improvisés, même si eux-mêmes s’inspirent souvent du cinéma…

Dans tous les cas il ne doit pas s’agir d’imiter ou reproduire (sinon on fera juste la même chose en nettement moins bien) mais de se poser la question des possibilités offertes par telle ou telle forme artistique, et comment les exploiter.

4 réflexions sur “Les dessins animés comme inspiration

  1. Tiens en lisant l’article je pensais à un épisode de Community que j’ai revu récemment (s05ep10 pour être précise). Dans cet épisode les personnages font une partie de Donjons et Dragons pour en réconcilier deux autres à travers le jeu.
    Là où je trouve cet épisode hyper intéressant comme point de comparaison avec l’impro c’est qu’à aucun moment ils n’utilisent de décors ni de costumes médiévaux, le décor reste l’appartement, ils sont habillés normalement mais ils utilisent la mise en scène, les bruitages, la musique, le jeu d’acteur, même le mime pour faire exister un univers fantastique, exactement comme dans un spectacle d’impro finalement, et ça marche !
    Et globalement je trouve que Community est une bonne source de comparaison avec l’impro parce que les personnages se mettent en scène en permanence (notamment via Abed à grands renforts de méta), parce que certains épisodes ne disposent pas d’un gros budget mais rivalisent d’inventivité pour passer outre, et que l’univers est réaliste mais absurde et qu’on y croit toujours.
    Enfin voilà, ça m’a traversé l’esprit 🙂

    Bon et sinon je dois avouer que je trouve le titre de cet article assez mensonger puisque finalement tu ne parles que d’un genre très spécifique du dessin animé (la série d’animation satirique, si on peut dire ça comme ça) donc je suis un peu déçue mais bon, je l’ai quand même lu jusqu’au bout parce que je suis sympa

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    • Et comme par hasard le créateur de Community est aussi de Rick & Morty 🙂

      Mais bon tu divulgâches un peu mon prochain article, qui sera sur les séries, et l’intérêt (ou non) d’une série improvisée !

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      • Eeeh oui c’est vrai, tout est lié finalement !

        Ce teasing ! Bon ben j’attends ça avec impatience, je sens que j’aurai des choses à dire 🙂

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  2. Pingback: Improviser en série – Impro etc.

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