Décrochage et cabotinage

wink-happy-16J’ai écrit deux petits paragraphes dessus à la fin de mon précédent article (Les deux histoires que raconte une impro), mais il s’avère que mon avis sur la question du décrochage/cabotinage est loin d’être tranché. Au contraire il serait plutôt confus. L’article suivant sera donc aussi confus que mon avis, mais avec un peu de chance ce dernier le sera moins quand j’aurai fini d’écrire. Voilà qui est clair.

Pour ceux qui ont la flemme de lire l’article pré-cité, voici en substance ce que je disais :

Le décrochage : on peut dire qu’un improvisateur décroche dès qu’il sort du personnage. [par exemple s’il se met à rire] Le fait de faire des remarques concernant une contrainte donnée, ou bien la justesse du mime ou de l’accent d’un partenaire ne sert à rien et est contre-productif. Le cabotinage est d’ailleurs une forme de décrochage. Décrocher volontairement […] est un aveux d’échec : « je n’arrive pas à respecter la contrainte donc je vais arrêter d’essayer ».

On parle aussi souvent de « meta-impro » : on commente l’improvisation tout en jouant. Et donc pour moi c’est bien une forme d’abandon et de recours à la facilité, puisqu’on obtiendra alors des rires sans trop de problème. Et donc c’est une forme de cabotinage (Mettons de côté le décrochage involontaire, par exemple la perte de personnage sans que ce soit voulu ou le fou-rire).

Mais la vraie question est de savoir si cela nuit ou non à l’improvisation en cours. Et j’ai envie de dire non, pas forcément. Prenons quelques exemples, ce sera plus simple.

Premier cas : l’aparté du comédien au public

Si à un moment un comédien sort de son personnage pour communiquer directement avec le public et commenter l’impro en cours, c’est du pur décrochage, on peut difficilement faire plus clair. Et c’est plutôt rare. Les deux principaux exemples que j’ai en tête sont anglo-saxons, peut-être n’est-ce pas un hasard. Le premier est Steve Jarand, lors d’un spectacle de Again! Productions. Il parle assez mal français, et dans une scène il ne comprenait pas exactement qui il était : il a donc demandé au public, qui lui a gentiment répondu. Le deuxième est Mark Jane, lors d’un spectacle « Trio », où il joue une heure avec deux personnes piochées dans le public. Régulièrement quand les joueurs issus du public faisaient quelque chose il regardait le public avec un grand sourire, voire un pouce levé, l’air de dire « c’est génial ! » (il le disait d’ailleurs peut-être, je ne sais plus…).

Dans les deux cas ça ne nuisait aucunement à l’impro en cours, et en plus ça avait le mérite d’impliquer le public, de montrer que les improvisateurs s’amusent et même d’éclaircir une situation. Alors certes si c’est systématique ça risque de devenir lassant, et c’est sans doute peu adapté à de l’improvisation « dramatique », mais je trouvais que ça marchait parfaitement.

Deuxième cas : le commentaire sur l’impro faite par un personnage

Dans ce cas l’improvisateur garde son personnage, reste dans l’histoire, mais commente sur l’improvisation (faisant donc de la méta-impro). Le cas typique est le commentaire sur la contrainte de jeu s’il y en a une. Par exemple lors d’un « Carrés d’émotions » (une zone de la scène correspond à une émotion, si un improvisateur s’y trouve il joue cette émotion), dire « Ah, alors je vais me mettre en colère ! » tout en se déplaçant vers la zone « Colère ». Dans ce cas pour moi ça n’apporte rien d’intéressant et c’est juste un improvisateur qui baisse les bras et ne s’investit pas dans ce qu’il fait. Une sorte de démotivation qui bien souvent va nuire à la scène, qui va perdre en énergie, et plus personne n’aura envie d’y croire.

Mais dans certains cas ça ne me dérange pas. Par exemple lors d’un des précédents spectacle de ma troupe, au cours d’une improvisation relativement longue il fallait quelqu’un pour affronter le méchant de l’histoire. Nous étions quatre et tout le monde avait déjà un rôle. Alors dans une scène entre deux personnages, l’un demande à l’autre d’y aller, et pour le convaincre il regarde les joueurs hors-scène et dit « vous seul pouvez y aller, il n’y a plus personne d’autre de disponible ». Il s’agit clairement d’un commentaire sur l’impro, mais ça n’a pas gêné la suite de la scène et en plus ça m’a bien fait rire sur le moment.

Je ne sais pas si on peut trouver une règle générale pour séparer les « bons » et les « mauvais » décrochages/commentaires. Peut-être qu’il suffit que ce soit fait dans la bonne humeur… Franchement je ne sais pas.

Petit mot sur le cabotinage

Et le cabotinage dans tout ça ? Déjà ma définition du cabotinage serait la suivante :

Le cabotinage : le fait de faire ou dire quelque chose dans une improvisation dans le seul but de faire rire le public sans que ce soit cohérent avec la scène qui est jouée.

Un exemple typique de cabotinage est de faire des jeux de mots ou des allusions diverses (à l’actualité, ou sexuelles, ou autre). Mais un personnage peut complètement faire des jeux de mots, quel est le problème ? Un personnage peut être blagueur. Est-ce que le fait de mettre dans ses pièces des jeux de mots plus ou moins douteux fait de Feydeau un cabotin ? Peut-être… En fait encore une fois la vraie question est de savoir si le cabotinage nuit ou nom à la scène en cours.

A mon sens le cabotinage ne nuit vraiment que s’il n’est pas intégré à l’histoire et aux personnages (donc qu’il n’est pas assumé). Combien de fois ai-je vu un personnage/comédien faire une blague mais tout le monde feint de ne pas avoir entendu et on continue comme si de rien n’était ? C’est moche et ce sera d’autant plus gênant si la blague n’est pas drôle. Un personnage peut faire des blagues pas drôles et on peut construire là-dessus. Par contre si c’est l’improvisateur qui fait des vannes pourries on va juste le trouver mauvais, et rouler des yeux en soupirant.

Mais j’ai envie de dire que si c’est vraiment drôle et si c’est assumé jusqu’au bout alors tout peut passer. Après on peut se poser la question de ce qui est drôle ou pas, et là c’est un tout autre débat…

 

Une réflexion sur “Décrochage et cabotinage

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