Quelques mots de Terry Pratchett sur la Fantasy et le décalage de réalité

terry-pratchettJe suis un fan de Terry Pratchett. Je possède l’intégralité des livres du Discworld, et j’ai lu la plupart plusieurs fois. Je m’émerveille à la fois sur la construction de chaque phrase, sur la globalité de chaque livre et sur l’évolution de l’univers et des personnages en plus de trente ans et presque cinquante romans. En plus il a une barbe et un chapeau. Enfin il avait, je suppose.

Et puisque c’était un génie, il avait plein de choses à dire sur le processus créatif.

Je lis en ce moment « A slip of the keyboard », qui est un recueil de divers petits textes écrits par Pratchett depuis ses débuts. Hier soir je suis rentré chez moi après un atelier et j’ai lu un texte qui faisait directement écho à ce sur quoi nous avions travaillé. J’avais en particulier insisté sur le fait de justifier et expliquer pleinement ce qui se passait sur scène, de vraiment prendre le temps d’assumer les conséquence de ce qui se passe ou de ce qui est dit, surtout si ça parait absurde.

Et là je lis ce texte, intitulé « Conseils d’un auteur de fantasy¹ : restez concrets »². Et finalement il dit la même chose, mais beaucoup mieux que moi. Voici une traduction d’un passage qui résume un peu tout ça :

La Fantasy fonctionne le mieux quand on la prend au sérieux (et peut aussi en devenir plus drôle, mais c’est une autre histoire). La prendre au sérieux veut dire qu’il doit y avoir des règles. Si tout peut arriver, alors il n’y a pas de vrai suspense. On peut faire voler les cochons, mais il faut prendre en compte l’impact sur la vie des oiseaux du coin et la nécessité pour les habitants de zones densément survolées d’avoir toujours un parapluie sur eux. Blagues à part, c’est ce type de raisonnement qui a permis au Discworld de se construire pendant vingt-deux ans.

En impro on créé potentiellement un nouvel univers à chaque nouvelle scène. Evidemment on peut être simplement dans notre réalité, mais souvent il va se créer un décalage, une absurdité plus ou moins voulue qui va apparaître. Alors il faut en prendre conscience et en assumer les conséquences. On ne va jamais construire un univers aussi riche que celui des grands auteurs de fantasy ou de SF, mais on aura de petits décalages, et explorer les conséquences de ce décalage peut parfois  suffire pour avoir une scène intéressante. Et en dehors de ce décalage on peut toujours se reposer sur le principe que tout est Like Reality Unless Noted (comme la réalité sauf mention contraire).

C’est aussi le principe de base de l’impro vue par l’UCB : trouver une première chose inhabituelle puis se poser la question : « si c’est vrai, qu’est-ce qui l’est aussi ? ».

Trop souvent je vois des improvisateurs qui disent, entendent ou font quelque chose qui n’arriverait jamais dans la réalité, profitent du petit instant où cela fait rire le public puis en ignorent complètement les conséquences pour passer à une autre idée sans doute plus intéressante³. Et certains improvisateurs le justifieront ensuite en sortant le mot magique « absurde » de leur chapeau. J’en parlais justement ici il y a quelque temps⁴.

En plus il est beaucoup plus simple de justifier a posteriori quelque chose que de réfléchir et trouver des idées a priori. On peut justifier et expliquer absolument n’importe quoi, il suffit d’essayer. Mais réfléchir pour trouver des idées c’est pénible, donc j’ai préféré arrêter.


J’ai choisi de mettre des notes de bas de page sur cet article en hommage à Terry Pratchett, dont c’était la spécialité. Je ne sais pas si c’est pratique ou non à la lecture. Peut-être pas.

¹ « Fantasy » est apparemment (d’après Wikipedia) le terme le plus couramment utilisé en France pour traduire Fantasy (là c’est le mot anglais). Le néologisme « Fantasie » a été proposé en remplacement, ou encore le mot « Merveilleux » pour les québécois.

² Dans tout l’article je traduis moi-même de l’anglais, et je suis un très mauvais traducteur, mais je me dis que tout le monde ne parle pas anglais, donc c’est sans doute mieux que rien.

³ Spoiler : elle ne l’est sans doute pas.

⁴ Fichtre je commence vraiment à me répéter.

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Une réflexion sur “Quelques mots de Terry Pratchett sur la Fantasy et le décalage de réalité

  1.  » The most important thing to decide when you’re creating a fantasy world is what the characters CAN’T do » – J.K Rowling

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